mercredi 28 décembre 2011

Fragments des guerres tertiaires


On t’enverra droit sur les roses après une chute du troisième étage tête la première, d’où tu émergeras couvert de ridicule et sans la moindre blessure.
Et tu auras gagné une tasse de café et une lampe faible pour les matins les plus noirs. L’univers perd de l’énergie, il faudra se faire au froid et aux nuits boréales.

mardi 20 décembre 2011

Histoire de fantôme

C’est l’histoire de John qui marche dans la rue. Il croise une célébrité, et la suit dans l’espoir de lui parler de son admiration. Au bout d’un quart d’heure il arrive à coudoyer le personnage dans une rue bondée. Puis sans un mot il lui fait face, et le visage de la célébrité se déploie dans toute son ampleur. Un détail, ou la trace d’un détail disparu, rend le visage complètement étranger. John se rend compte qu’il s’est fourvoyé et a suivi un sosie en quelque sorte. Il ressent une puissante honte de lui-même qui le fait retourner de suite chez lui.
En arrivant dans son logis il apprend que le personnage en question est mort il y a déjà deux jours.

C’est l’histoire de Léa qui cherche à emmener Tom dans un restaurant qu’elle connaît pour très bon. Elle n’y est pas allée depuis des année mais retrouve sans mal la zone de deux blocs de large, se souvient très bien de la forme et de la hauteur des bâtiments, et de la configuration des rues. Elle tourne pendant des trois quarts d’heure dans le périmètre restreint, affirmant qu’elle reconnaît tout très bien, mais doit renoncer à trouver le restaurant. Tom et elle  iront ensuite manger dans un humble kebab, transis de froid ; Léa torturée, Tom indifférent.
De retour chez elle, Léa apprend que le quartier dans lequel se trouvait son restaurant a été démoli intégralement il y a quelques semaines.

jeudi 8 décembre 2011

Martin

Martin, un autre personnage des guerres bureaucratiques. Dates de naissance et mort inconnues. John et martin: ces deux-là vont par paire, sont consécutifs et symétriques.



Martin avait une fille, une fille petite et endormie, muette et encombrante. Un jour de neige la poussette en plastique fut propulsée de quelques centimètres en avant et la fille de Martin s’arrêta dans le vide avec douceur, retenu par la ceinture. Elle se mit à pleurer, alternant des épisodes de calme étendant un long gémissement uniforme, et d’autres un peu plus fort, par soubresauts, par saccades, par crescendo découpés.
Rien d’insupportable, jugea Martin, et il attendit. Mais elle ne cessa pas de pleurer. La nuit, dans cette capitale pleine de monde, il se rendit chez un pédiatre qui s’appelait George, craignant d’avoir sans le vouloir blessé sa fille unique.
Intérieur nuit avec une seule fenêtre. L’enfant balaie des yeux, de toute son incompréhension humectée de larmes, la pièce blanche du cabinet blanc du pédiatre.
-Mais elle n’a rien, pas de lésion… commence George.
Il y avait une peinture, une scène de rue dans le style du Douanier Rousseau, une reproduction laide mais minuscule, accrochée au-dessus de la tête du pédiatre.
-Si elle n’a rien, pourquoi pleure-t-elle ?
-Peut-être vous fait-elle payer ce qu’elle considère comme un manquement à votre obligation de tuteur. Peut-être vous reproche-t-elle de l’avoir fait presque tomber.
Martin ne dit rien,  mais laissa planer un silence dans lequel il injecta, ou essaya d’injecter, du sens et des reproches. Sa fille se calma, et observa la petite scène de ville.
-Vous êtes sûr ?
-J’ai été psychiatre pour les petits enfants. Ce faisant il se leva, et porta sa main-paluche à une poignée d’un bureau, poignée de fer qui entraîna dans la poursuite d’un geste gras et souple, vers le centre de la pièce, tout un mince trésor vertical. Le tiroir renfermait, entre deux plaques de verre, un diplôme plus petit que le tiroir (qui acheva de s’immobiliser) et une carte de géographie. Le petit tableau vibra sur son clou unique et Martin examina le diplôme qui disait quelque chose comme :

« Académie royale […] décernons […] George L. […] psychiatrie pour les moins de trois ans […] »

L’enfant bougea sur son support, on l’assit sur le bureau, et elle se mit à rire un peu.  

lundi 5 décembre 2011

Ex-libris

Voici le véritable ex-libris de John SZETLA, qui est un personnage à la fois central et périphérique dans les Guerres Bureaucratiques. D'après ce que l'on sait, John est le fils d'un immigré hongrois et d'une sportive professionnelle de Rotterdam. Il serait né en 1983 ou avant, en France. Il ne porte aucun signe distinctif à part ce curieux symbole, connaît très bien Marla, et s'habille de manière exemplairement neutre.
De lui, quelqu'un dit un jour: "prenez cinquante hommes entre vingt-cinq et trente-cinq ans qui vous paraissent les plus médiocres possible. Pas un ne ressemblera à John, mais lui pourra aisément se camoufler parmi eux."