jeudi 12 décembre 2013

entretiens avec Marla Zemanova (1)

-Parle moi des villes. Je sais que tu as toujours vécu dans les villes. Tu connais très bien le code des villes..
-Il y a les rues. Une ville n'a souvent que trois types de noms de rues, et hélas les exceptions sont trop rares : les saints, les guerriers et les nations. Ces trois mots peuvent être trois catégories. Moins il y a d'exceptions à ces trois catégories, plus le pays ou la ville est nationaliste.
Il y a aussi les dates, c'est vrai, qui pourraient constituer une quatrième catégorie...
-Dis m'en plus sur ce mot, Nation.
-Quand je dis une Nation, c'est une abstraction décrivant un espace clos sur lui-même et composé de symboles forts et reconnaissables qui permettent de les différencier d'avec les autres Nations. Une Nation est une machine de guerre sans réalité. Une nation est la chose qui se rapproche le plus d'une collection de règles de conduites.Tous ces symboles constituent « l'identité de nation ».
Mais, une nation restera, malgré la dureté et la précision de ses symboles, quelque chose de très abstrait et de très impalpable. Une nation, c'est l'idée d'un nuage de fer.

(Sur ce, elle matérialise un drapeau représentant un nuage cartoonesque- le drapeau est fait de tôle relativement épaisse, coupée maladroitement au chalumeau. La forme du nuage est évidée au centre. L'objet a quelque chose de comique).

Elle rit.

-Voilà, ça c'est le drapeau d'un pays et l'idée de nation en même temps. Héhé !




lundi 9 décembre 2013

Extraits de savon

Texte écrit sur un canapé, il m'a fallu un bus et un café pour me décider à le publier, malgré le fait que je ne sache pas à quel projet le relier. Quelle importance en fait?


Je
les ténèbres sur la ville ondulante comme une couverture. La lumière.
Je ne suis pas chez moi et je ne le serais jamais.
Une forme ovale luminescente, c'est un savon. Tous les savons ont une odeur spécifique, différente d'un savon l'autre. Tout savon est une planète personnelle, appelée à disparaître en laissant derrière elle une odeur, une texture elle aussi appelée à disparaître. Le savon est une lune dans le porte savon, un astre aplati aux deux bouts, est une lune humide et collante.
Un univers de savons. Spécialiste des savons. Wow, tu me connais bien... Tu m'as reconnu à l'odeur de mon hygiène. Et je l'aime, j'aime l'odeur de ton hygiène. Ta propreté n'est ensuite qu'un continent sur ta planète personnelle. Certains me disent que parfois, ils croisent des gens qui n'ont strictement pas d'hygiène, mais je ne les crois pas. Tout le monde a de l'hygiène, mais certains utilisent du savon, d'autres, de la salive et sèchent au soleil. Je suis reconnaissant de t'avoir entendu dire, une fois que seul moi t'écoutais (les autres s'écoutaient ensemble) que toute hygiène et que tout confort s'apparentait au fait d'apprendre à bien parler.
Et ta salive est en moi un des savon les plus doux.
Les odeurs sont des points sur le continent. Les odeurs sont des briques dans le mur couché de la croûte terrestre et des strates la composant.
La cave, la cave à deux niveaux, le niveau le plus bas encombré d'éboulis et inondée la moitié de l'année. 
Le grand bazar de la vie... La nuit qui se prolonge et colore le jour. Les cafés qui ne fermeront plus jamais. Les arbres qui poussent dans le toit et dans les cafés. Les arbres qui ne sont pas plus des évidences que les voitures, les gens et les immeubles. Toutes les plantes comestibles et les millions de végétaux toxiques... Les pavés soulevés, les chaises renversée, l'infinie variété des véhicules et des trains d'émotions dans une ville infinie bâtie entre avant et après, ville qui d'ailleurs n'est pas plus une évidence que les arbres, les gens etc. Le pantalon déchiré, la roue rompue. 





jeudi 28 novembre 2013

Agressif

Parfois j'écris des scénarios pour des courtes vidéos absurdes. Celui-là est assez violent. C'est une sorte de Cain et Abel où Cain n'a aucun motif pour faire mal à Abel, et où Tim est venu pour aider Cain à molester Abel.
Je cherche un financement et de l'aide pour aller m'amuser avec une caméra! Une cinquantaine d'euros pour la confection des costumes, une soixantaine d'euros pour payer un bon restaurant à ceux qui feront les personnages, une vingtaine d'euros et un conducteur dans une voiture pour m'emmener là où je veux filmer, dépendamment de la distance, et aussi une dizaine d'euros pour acheter des DVDS. Ce projet est aussi cheap qu'il en a l'air.
Ne vous pressez pas pour me faire part de votre désir fou de faire la star dans un de mes immondes costumes: je ne sais encore ni quand, ni où, ni dans une certaine mesure pourquoi.

Paysage. Sans doute l'hiver, mais rien ne le dit clairement, car il n'y a pas d'arbre. L'herbe est bien trop verte, il y a un peu de vent et du ciel gris. Est-ce un pré, un terrain vague ? Dans l'idéal, la caméra pourrait regarder d'un point de vue légèrement surélevé, elle est posée sur pied. Un fossé au premier plan offre une vague perspective molle.
Arrive un personnage. En voici deux autres, habillés de manière un peu similaire (demi-saison post-apocalyptique). Peut-on mieux en déduire l'époque de l'année ? Sûrement pas, et ça n'a pas de réelle importance. On devrait savoir qu'il fait suffisamment froid pour qu'il soit nécessaire de se couvrir. Le premier porte un genre de sac à dos qui est sûrement assez lourd et une écharpe qui se défait souvent et qu'il tente de remettre d'un geste par-dessus son épaule. Les deux autres voyagent plus légèrement, avec des sacoches qui pendent à leur côté. Il est assez clair que 2 et 3 poursuivent 1.
Les trois personnages peuvent arriver soit de la droite de l'image après un plan un peu trop long sur le néant. Meilleure option : ils peuvent apparaître d'un bout d'horizon situé à peu près à droite et s'approcher de la caméra jusqu'à une distance d'environ 4 mètres, qui devrait également être la distance entre eux et le fossé. Toute la durée de leur approche se faisant au pas de course, et dans des conditions difficiles pour 1, la fatigue réelle des acteurs jouera un rôle important dans la suite des événements.

L'action en elle-même est très courte et dure un fraction du temps d'approche de 1, 2 et 3.
2 parvient à s'approcher suffisamment de 1 pour attraper une des sangles de son sac à dos au moment où ils atteignent la distance désirée avec la caméra. Très vite 3 le rejoint et attrape l'écharpe de 1 qui pend dans le vide, tous deux marquent en pause pour se camper sur leurs membres postérieurs et tirer sur ce qu'ils ont en main tandis que 1 tente de poursuivre sa course. 1 peut montrer de la résistance, et même utiliser ses mains, mais il finit par abandonner en laissant son sac partir en arrière. Comme il reprend sa course avec un peu plus de facilité, toujours dans la direction du fossé, 2 se débarrasse du sac en le jetant dans une direction non déterminée à l'avance. 3 lâche l'écharpe qui tombe très lentement au sol.

(De l'ensemble de la scène depuis que 2 a attrapé le sac de 1, devrait se dégager une impression de ridicule. Ce ridicule sera certainement fonction des vêtements portés par les personnages, de la fatigue qu'ils ont enduré en courant sur une si longue distance, de leur apparente absence de vigueur. Les quelques secondes suivantes dans le même ton.)

2 et 3 rattrapent 1 à quelques pas du fossé, tirant cette fois sur son manteau. 2 donne quelques coups médiocrement dirigés dans les membres postérieurs de 1. 1 glisse, tombe une première fois, semble prêt à se relever, mais tombe finalement la tête la première dans le fossé.

Cut sans subtilité. Changement de point de vue. La caméra est tenue à la main et plus que certainement par 3, puisqu'on ne le reverra plus. On voit directement 2 de dos, à quelque distance, qui saute dans le fossé où se trouve de l'eau, et où 1 rampe avec difficulté : peut-être s'est-il cassé quelque chose ? La fin va très vite : 1 s'est retourné pour se protéger des coups que semble lui donner 2, 2 pousse des deux mains la tête de 1 dans l'eau, qui y disparaît complètement en se débattant faiblement ; 3 s'est approché suffisamment pour qu'on voit les détails de cette opération. Tout en le maintenant sous l'eau, 2 sort son couteau d'on ne sait où, poignarde 1 dans un région du corps impossible à déterminer à cause de l'eau, qui est très boueuse. 2 maintient 1 sous l'eau tout en retirant l'arme. 1 cesse progressivement de bouger. Aucune parole n'a été échangée. À présent 3 est si proche qu'on ne voit que le corps de 1 et les mains de 2 qui sortent progressivment de l'eau pour disparaître du champ. Cut sans subtilité et fin possible avec écran noir, date et remerciements.

Plan optionnel : on voit d'assez près les pieds de 1 dans des bottes le tout dans l'eau qui pointent en direction du ciel. Un peu de courant autour de ces bottes.

(Note additionnelle : il est important qu'à aucun moment il ne soit clair que cette agression ait une quelconque motivation.)


En prime, un .gif particulièrement fainénant et approximatif. Non, je n'ai plus de papier, oui j'écris sur des serviettes.


samedi 16 novembre 2013

Temps jaune, temps bleu

Il fait bon se laisser aller dans un monde de mots et de carrefours abstraits. Veuillez m'excuser si c'est vague.

J'ai déjà dû vous le dire, je m'aventure dans le quatrième volet de l'ère du repos, dont j'ai choisi le titre: Temps Jaune, Temps Bleu. Il devient de plus en plus évident que cette histoire vague d'animaux et d'humains est une route aux multiples ramifications, dont l'une peut croiser celle d'un autre récit en cours d'écriture. 

Et le point précis de rencontre de ces deux histoires, de ces deux temps et deux espaces, peut s'appeler "conversation des poissons".  Mais rien n'est écrit. Oh, on pourrait parler des heures des histoires non-écrites, ça ne cuira pas la choucroute. 

En prime, veuillez trouver en fin d'article un gif paresseux. 



Je ne suis plus disponible à cette adresse.
Viens me trouver, viens me trouver, viens me trouver...
Je ne suis pas difficile à trouver
Je ne suis pas loin,
Mon cadavre indique ma position géographique (x et y)
Je ne suis pas difficile à traverser...
Tout me traverse,
Tout le pays me traverse,
Traverse moi.

Tu avais du mal à respirer, la peur t'étreignait.
Tu courais mais tes pauvres baskets ployaient sous le poids de ton corps et de ton sac, et tu ne savais pas comment rendre tes bras utiles.
Quand on te demandait la raison de ce regard perdu et de ce grondement sous ta poitrine, tu ne comprenais pas ni n'arrivais à te faire comprendre.
Malade, tu cherchais les autres, les deux autres.
On ne pouvait pas s'empêcher de penser aux lourdes carpes prisonnières de l'aquarium dans l'immense restaurant vide. Clairement pas des bêtes à manger, si sales et tristes. Les bêtes condamnées à la sédentarité. Nées ici ? Tu me demande, pensant que je pouvais répondre. Capturées où, et dans quel but ?
Et toi penché à tenter de communiquer avec les carpes. On ne pouvait pas penser à autre chose qu'à ce qui pouvait bien composer leurs rêves.

Et trop fatigué pour penser, je ne me suis pas inquiété pas de rentrer dans les couvs avec des pieds sales, dans ce lit où les deux autres dormaient déjà et s'en fichaient. Je les ai rejoint après le travail, je les ai rejoint après l'effort colossal qu'avait demandé ma journée pour rester debout, j'ai dit un faible bonsoir et laissé s'écouler la conscience de mes yeux.
Réveillé au milieu de la nuit parce que deux chats se battaient sur le toit, je n'ai pas pu me rendormir ; Les deux autres de part et d'autre et inconscients dans leur voyage intérieur (sans doute partagé) me firent douter de ce que j'avais entendu.
Endormi finalement quand la lune verte se couchait. Endormi entre les deux autres, la chaleur de l'autre directement à ma gauche comme celle d'un chat mystérieux ronronnant, tard le matin. Réveillé à nouveau par un faible mouvement : la course du soleil fait jouer la loupe de la fenêtre sur ton mollet enserrant les couvs, ton mollet chauffe tant que tu le dégage du rayon en roulant de vingt centimètres sur le côté, me poussant vers l'intérieur du lit où le troisième ne dort déjà presque plus.





lundi 4 novembre 2013

Histoire de deux chiens

J'ai une idée pour un nouveau livret de l'ère du repos, quatrième partie, qui pourrait s'appeler Temps Jaune, Temps Bleu. Il y aura une vague histoire de chiens, de chats et de meurtre. En prime, une illustration paresseuse.

La chaleur des câbles... Le vent souffle et fait grincer les fenêtres, mais pas ici, dans un autre temps et un autre espace. Le cerveau ne peut plus compter ni marcher, ne peut pas situer le reste de son corps, devenu objet flottant entre d'autres objets de nature très différente ; autrement que dans un filet de ressentiments et de pressentiments. La chaleur des ampoules est partout la même, la chaleur des chaises, la chaleur des arbres, et il y a cette histoire de chien dont je ne parviens pas à me souvenir.

Dans la pluie sont venus deux chiens sans noms, que par facilité on peut appeler Nord et Sud, ou A et B ; ils mangeaient des plantes et la viande morte trouvée par terre, ou donnée par des passants. Ils ne savaient pas tuer, et d'ailleurs il n'y avait rien à tuer, ou si peu. Les animaux sont bien trop durs à attraper et à mettre à mort, ils se défendent, ils tiennent à la vie ; pour les y arracher il faut très bien les connaître, et les chiens les fréquentaient sans les connaître vraiment. Il y a une histoire avec ces deux chiens qui venaient toujours ensemble comme une seule chose double, qui sont morts maintenant, mais je ne me souviens pas de ce qui leur est arrivé ni de pourquoi leur histoire a une quelconque importance. Leur monde, c'était les animaux, les arbres, le boucher, les passants, le soleil derrière leurs paupières closes, la nuit et les étoiles, les ampoules électriques et les ivrognes, les arbres et les vélos, les chaises et les portes, les cours intérieures et la pluie.

Ils ne connaissaient que la nuit. Ils se battaient souvent, ensemble ou avec les gens, avec le boucher, avec les passants. Je les ai vu courir après des gens dans le soir, des gens portant des écharpes terriblement longues, qui pendaient... Je ne sais pas si ils voulaient jouer, ou tuer ; si ils voulaient réclamer de la viande ou des fruits. 


dimanche 15 septembre 2013

Marla Zemanova et le puzzle



Marla et le puzzle. Je crois que ces fragments racontent les derniers moment de sa vie, quand elle a commencé à devenir folle. 

Tout n’est question que de casser –et réparer. Détruire, et refaire.
Marla menait de prétendues fouilles archéologiques et John faisait semblant d’y croire, debout comme une statue sur un monticule. Elle prétendait que le sol était fait de pièces de puzzle. Que par endroits le puzzle était fait et organisé, les pièces les une dans les autres, et qu’à d’autres les pièces gisaient en tas, fondaient à cause de la pluie, s’amalgamaient.
« Et quoi, sur ces pièces de puzzle ? Quelle image, quelle figure ou quel motif apparaît si on joignait au bon endroit chaque pièce ? » fit John visiblement démotivé. Marla répondit que du moment où 95% de l’ouvrage était désormais illisible, cela n’avait pas la moindre espèce d’importance. Sur la majorité des pièces apparaissait un brouillard méchant, un gravier à gros grain, du ciel, des fragments de figure… « Rien », disait-elle, « de très déterminant ». Puis ajoutait après silence… « Sur les régions jointes, qui sont rares, on distingue la trame d’impression, l’antique quadrichromie. »
« Ce puzzle te ruinera la santé. »
En effet, elle acquiesçait... « Dans la mesure où même l’étendue exacte du machin rend vaine l’entreprise et fait espérer, pour le moins, des aventures avec plus de ciel et moins de sol. » Foin de tout ceci, elle prit quand même une photo aérienne qu’on la vit raturer encore plusieurs années après.   

jeudi 5 septembre 2013

Mes soucis




J’ai un petit souci. Ces derniers temps, je croise sans arrêt la même personne dans la rue, un garçon que j’ai connu il y a longtemps et jamais revu depuis. Je vois ses caractéristiques (celles dont je peux me souvenir) se manifester sur les exosquelettes de nombreux étrangers dans la rue. Un cycliste, un homme désespérément accroché à la barre dans le métro. Que veut dire la soudaine réapparition de ce spectre ?
Ce que j’aimerais c’est ignorer le plus longtemps possible l’heure qu’il est. M’en remettre à la position du soleil dans le ciel, car il peint une ambiance et une atmosphère, et au tic-tac gras de ma montre parce qu'il me rappelle que le temps a une densité fabuleuse, minuscule, tranquille et calmante.  De toute façon je sais qu’il faudra repartir, peut-être très loin, et l’heure qu’il est n’a rien à voir avec ce fait. Je ne sais pas à quoi ressemble l’endroit où je vais, je ne crains rien de ses potentiels dangers. Ce moment est bizarre. Nous ne sommes pas en vacances mais nous ne travaillons pas non plus. Nous sommes en chasse, à perdre notre temps sur les routes désertes. Toute exploration, tout arpentage devient un acte irrationnel proche de la folie et qui s’essouffle le long des routes mal apprêtées. Toute exploration devient panique.
Les deux pochetrons, sur un quai de gare. Deux types ivres noirs étaient venus voir une dernière fois si le train passait ou pas. L’un des deux avait perdu ses quatre dents de devant et crachait du sang.
L’autre avait simplement l’air un peu triste. 



Un petit texte exhumé de franges bizarres du passé, assorti d'un dessin plus récent. On y voit l'un des deux alcooliques décrits à la fin du texte. Se pourrait-il que ces deux alcooliques soient les épaves de personnages qu'on ait rencontré ailleurs, amaigris par de terribles évènements? We wonder. 
Autre petite chose: Fabrice Mouyon, Photographe, et moi-même, menons un projet qui j'en suis sûr va vous ravir: une correspondance texte-photos, pouvant aboutir plus tard à une auto-publication. Fabrice est par ailleurs un remarquable opérateur d'images, je recommande son travail.  Les premières correspondances sont disponibles ici !


samedi 10 août 2013

Kuro



J’ai certainement eu un rêve prophétique ce matin. Je suis d’abord sorti d’un rêve assez long où je jouais le rôle d’un imbécile habillé de façon très étrange. J’ai ouvert les yeux à 9h30, les ai refermé autour de 9h40, et me suis levé après un épisode de demi-sommeil à 10h00.
Mon rêve prophétique se situait dans cette courte période de semi-conscience. On n’y voyait qu’un seul personnage. Peut-être même n’était il qu’une voix, sans aucune donnée visuelle. C’était un philosophe japonais dont le nom était Noir. En me réveillant j’ai décidé qu’il devait certainement s’appeler Kuro, « noir » en japonais-google. Il avait peut-être un autre nom, mais je ne m’en souviens plus.
Il avait les qualités à la fois d’un sage antique de Chine, et celles d’un philosophe allemand du XIXème siècle. La voix de Noir évoquait plusieurs de ses préceptes, sortes d’enseignements de haute sagesse. Il y en avait au moins trois, et ils devaient avoir un impact important sur ma vie à l’état de veille, ou peut-être sur celle d’un ami cher. Au moment où j’écris ces lignes pour rassembler ce que je sais sur lui, il ne m’en reste qu’un seul en mémoire.
Il s’agissait d’une parabole obscure sur la bonne manière de réagir à une attaque violente de ses ennemis, et en particulier sur la bonne manière de mener une vengeance. Ce que Noir en disait : il faut se venger à l’aide de la pluie. Quel est le sens de cette affirmation ? Noir veut-il dire qu’il faut laisser la pluie assurer la vengeance à sa place ? L’eau du ciel a-t-elle des qualités rédemptrices, annule-t-elle les fautes ? Faut-il alors voir un univers de double sens contenus dans le mot vengeance ? Veut-il dire qu’il faut considérer que la vengeance ne dépend pas de nos actions ?
Pris seul ce proverbe me semble de peu d’intérêt.  Car il devait prendre tout son sens dans l’ensemble que constituait les autres proverbes. Tout ce qui reste, c’est la certitude que les proverbes étaient les éléments maintenant séparés d’une prophétie dont le sens est à déterminer.


mardi 16 juillet 2013

Viens quand tu veux

Faire et laisser être, marcher et laisser courir... Tout paysage est beau à voir, toute route est bonne à marcher (sans métaphore), vraiment, toute route, quelle que soit sa qualité, supportera mes pas, car mes pas sont légers et n'engagent que mon poids, qui est faible... Car j'ai une confiance imbécile en la solidité du sol.
J'aime aimer, j'aime te respirer, car te respirer ne te coûte, ne me coûte rien.
Pourquoi nous a-t-on appris que seules les choses de valeur pouvaient être aimées?
Je ne pousse pas comme les plantes, je ne pousse pas comme les roches, je ne pousse pas comme les cailloux dans les plantes ni comme les escargots dans les salades... Je ne pousse pas comme les villes faites par les gens, tous ces gens tranquilles qui gagnent leurs vies en construisant des villes...
Cependant je pousse, j'ai d'eux la vie minuscule. Je pousse mon squelette, je pousse mes câbles, je me pousse dans ta générale direction.

dimanche 14 juillet 2013

Marla Zemanova






Marla Zemanova est née en 1999 à Buenos Aires de parents tchèques. Son nom (qui est en fait le nom de sa mère, elle se fit toujours appeler par ce nom) signifie certainement « homme de la mer », ou « marin », et est certainement d’origine allemande. Ses parents s’étaient rencontrés dans les années 60, au Mexique. Son père était à moitié français et de fait l’envoya au Lycée Français de Buenos Aires. Sa langue d’expression est le français, bien qu’elle ait aussi produit un important corpus de poèmes en espagnol et de textes théoriques en tchèque. Entre autre, elle fut sa propre traductrice dans ces deux langues, ainsi qu’en anglais, langue qu’elle maîtrisa assez vite à la suite de ses années de lycée.  Elle vint autour de l’année 2020 en France, à Brest, étudier l’architecture et surtout l'urbanisme. Elle partit ensuite à Berlin compléter ces études et rédiger une thèse sur l’histoire d’internet. Ses notes, compliquées à lire pour les spécialistes, parlent de la « ville immatérielle ». Cette période est marquée par de nombreux voyages en Asie (Chine), en Afrique (Nigeria) et au Brésil. Âgée de 26 ans, elle étudia la cybernétique, puis l’écologie, à Prague. Les années qui suivirent la rédaction de sa thèse furent marquées par une grande misère : l’économie européenne s’effondrait, et avec elle l’administration et les structures. Malgré cela, elle mena un travail très dense de recherche.  Au moment où l'Europe et l’Amérique du Nord sombraient, elle avait déjà écrit une très grande partie d'une théorie générale d'architecture et d'urbanisme qui se composait de deux parties, mais la rédaction de son œuvre s’échelonna sur presque trente ans. La première partie, la plus vaste, portait un regard rétrospectif sur l'urbanisme depuis Babylone jusqu'aux mégapoles mondiales du début du 21ème siècle. Dans cette partie, elle s'attacha à relier sans cesse les faits archéologiques aux projets purement plastiques et littéraires. La fin de cet ouvrage colossal fait intervenir les notions importantes qu’elle a appelé « l’écologie des machines » et « l’architecture du Réseau ».

La seconde partie est plus mince mais tout aussi dense.  Elle y développe une théorie urbaine qui refond entièrement l'aspect des villes du monde, sans pour autant organiser de lourdes destructions. Au contraire, elle s'occupe au maximum de construire entre les choses existantes  et d’imaginer de nouveaux usages aux structures déjà présentes.
Sa théorie ne s'arrête pas aux villes, mais couvre les espaces infinis des zones périurbaines, repense entièrement les parcs naturels, se débarrasse allègrement de la notion de propriété foncière, foulant au pied celle de frontière et d'état. Elle s’attache à donner une explication précise de ce qu’elle appelle la « ville immatérielle » : une importance primordiale donnée à internet et aux réseaux de communication dans la structure matérielle même des villes et l’organisation des activités en elles. Les deux livres furent imprimés et reliés à Amsterdam autour de 2059, mais la diffusion la plus importante fut faite via internet. Ils ne reçurent jamais de titre : le premier éditeur prit la liberté de nommer le premier livre « Dédale et les fourmis» et le second « Théorie des toits ». Sur Internet, les livres étaient simplement connus sous le titre « Théories de Marla Zemanova, volume 1 & 2 ».

Elle est probablement morte entre juin 2072 et octobre 2073, dans l'agglomération d'Amsterdam. Personne ne sait de quelle cause, de nombreuses épidémies et troubles sévissaient dans cette région durant le dernier tiers du 21ème siècle.