samedi 18 mai 2013

Le Rire qui Créa l'Univers



C’était un temps de cauchemar. Tout était gris sous un ciel bleu, pas une goutte de pluie, les guerres et les famines avaient tout ravagé et la fin du monde semblait venue. Un petit groupe cependant subsistait, très fatigués, tous malades de la vielle maladie du sommeil qui avait déjà asphyxié tous les animaux et toutes les plantes, et qui avait cassé ou rendu méconnaissable ce qui ne vit pas. Ils s’étaient regroupés, trop fatigués pour penser à demain. On ramassait alors les ruines d’un monde imparfait et violent. On les ramassait, les classait, les ordonnait afin de leur faire une sépulture et tout progressivement partait au tombeau. Ceux qui les maniaient sentaient aussi leur fin prochaine et ils avaient l’intention de se faire disparaître dans les tombeaux asphyxiants pour toujours, entourés. Au moins l’éternité de la fin du Monde leur appartiendrait-elle.
L’imbécile de service qui lui, n’était pas couché mais suivait scrupuleusement le mouvement des autres, se chargea trop et trébucha sur ce qui lui tombait des mains. La plus sage et importante de ceux qui n’étaient pas couchés, voyant ça, ne put réprimer une envie de rire. Ce qui aurait dû être un sourire amer s’esclaffa et se contracta en sa poitrine de vielle desséchée, et elle se plia en deux, de rire, sans savoir pourquoi. Comme elle s’appuyait contre le linteau du tombeau vers lequel le dernier enterrement de l’histoire s’acheminait bon train, quelque chose céda –tout était ruine, même les tombeaux- et la dernière porte s’effondra. La quinzaine de vioques estourbis écarquilla les yeux pour contempler la fin de leur fin. Comme la matriarche ne pouvait s’arrêter de rire, l’imbécile de service s’approcha d’elle pour la secourir. Elle continua de rire, toussa, alterna rire et toux, puis mourut. L’imbécile se mit à rire bêtement, un peu moins fort et un peu moins vite que la matriarche, puisqu’il était bête. Maintenant, comme un gloussement gagnait les autres, tous auraient pu mourir du premier rire de l’histoire. Mais ce rire fit tomber d’autres choses, et ce fut le cri du baptême de toutes les nouvelles choses qui sortirent de la terre. L'imbécile secoué de rires fit tomber de sa poche un haricot et une graine de maïs, promis au dernier musée-tombeau de l'histoire. Les deux touchèrent le terre. Tous les autres avaient oublié ce qu'était un haricot ou un grain de maïs, et personne n'avait pensé à les mettre dans la terre du désert -personne n'aurait pu, ça faisait déjà plusieurs générations que plus rien ne poussait. La Déesse-à-une-jambe, qui était la seule qui se souvenait comment planter des haricots et des grains de maïs -elle en avait un souvenir vague, instinctif- sortit du tombeau en entendant le rire fatal de la la Matriarche. Elle se précipita et enseveli le haricot et le grain de maïs. Elle recueillit sur la joue de la Matriarche morte la dernière larme de rire de l'histoire et la déposa sur le petit monticule de poussière. De la naquît la première Jungle de l'Histoire, qui ravagea la terre et les monuments, qui mit à bas les tombeau des derniers vieux, qui les obligea à se planquer alors que des essaims de mouches et de moustiques les poussait dans les retranchements. Vinrent les premiers floods de l'histoire, car là où il y a jungles, il y a pluies et ruisseaux boueux. Puis les descendants de Derniers Vieux et Vielles se regroupèrent sous des tentes pour se raconter en tremblant l'histoire du Rire qui Créa l'Univers, un sourire au lèvres, et l'irrépressible envie de rire au fond du ventre.

Là où ils font l'éléctricité


Le décor gronde. Un énorme animal ou une énorme machine quelque part dans le bâtiment, la plus grande communauté d'ourdis de l'univers. Il sort un jour d'hiver et va à l'usine. La Dynamo Principale, cent cinquante ouvriers font tourner une énorme roue horizontale. Lancée elle continue à tourner par inertie et produit l'électricité, le pouwer sans lequel il n'y a pas de lumière, alimentant vingt mille foyers, la roue d'acier de milles cinq cent tonnes vielle de cent trente ans (cent trente ans à tourner sur elle même) la roue d'acier s'arrête progressivement et il n'y a plus d'électricité, plus de pouwer, les cent cinquante ouvriers du pouwer reprennent leur places autour de la dynamo centrale, ils courent et suent, la roue atteint une vitesse de trois cent kilomètres à l'heure, les batteries partout chargent et l'électricité saigne dans les câbles, dans les câbles qui chauffent de folie, les ouvriers courent puis s'écartent et laissent tourner comme le bâtiment entier tremble et la roue immense grince, tout le monde pense alors avec joie à l'endroit où ils font l'électricité, la salle chauffe les endroits chauffent les écoles chauffent et les familles chauffent, les fils, les périphéries s'illuminent, les laptops s'ouvrent et les sons y passent. Le pouwer retombe progressivement, la tension s'estompe et les ouvriers et ouvrières de la lumière reprennent leur place, sont rejetés sur les côtés par la vitesse et la force de la dynamo, ils s'effondrent suant sur les canapés de la Rest-Zone, prennent tchai ou kofi et sucent des tiges de betterave à sucre psychotrope, les batteries ainsi chargées tiendront quatre heures et trente minutes, en attendant les quatre bouches béantes du secteur donnent encore des signes de tension alternative.